Tribune

Sous-estimation de la menace économique liée au VIH/sida

Dans beaucoup de pays, les effets cumulés des épidémies pourraient avoir des conséquences catastrophiques pour la croissance économique à long terme et compromettre gravement les chances de faire reculer la pauvreté. Jusqu’à ces derniers temps, la plupart des spécialistes pensaient qu’une épidémie généralisée de VIH/SIDA caractérisée par une prévalence de 10 % dans la population adulte réduirait la croissance économique d’environ 0,5 % par an (33). Selon plusieurs études effectuées dans les pays, les épidémies de VIH/SIDA feraient reculer le produit intérieur brut (PIB) d’environ 1 %, mais d’autres études et estimations économiques récentes dressent un tableau beaucoup plus sombre des effets économiques présents et futurs (30, 34).

Les études antérieures ont assimilé à tort les effets d’une épidémie aux chocs produits par des événements isolés tels que les catastrophes naturelles ou les périodes de récession économique, chocs que beaucoup d’économies sont capables de supporter et sur lesquels les planificateurs n’ont pas de prise. Ces prévisions partaient souvent de l’hypothèse que les pays d’Afrique les plus gravement touchés disposaient d’un excès de main-d’œuvre, et on faisait observer qu’une réduction de la main-d’œuvre était susceptible de déboucher sur une utilisation plus efficace des terres et des capitaux. On pensait en fait que le PIB par habitant s’accroîtrait dans la mesure où le recul du PIB global serait moindre que celui de la démographie. De même, on avait cru que la décimation de la population active et, par voie de conséquence, la réduction de l’offre de main-d’œuvre par suite du VIH/SIDA pouvaient entraîner une augmentation de la productivité individuelle des travailleurs survivants, qui disposeraient de plus de terres et de capitaux pour travailler. A cause de ces interprétations et hypothèses erronées, on a négligé un peu partout, au niveau tant national qu’international, de réviser les politiques économiques pour prendre en compte les effets du VIH/SIDA.

Le VIH/SIDA va avoir à long terme des effets considérables qui vont s’étendre sur des générations et que nombre d’études économiques ne font pas ressortir. En raison de la maladie et des décès prématurés, on investit en pure perte dans le capital humain et partout dans le monde, on est moins enclin à former des projets d’avenir. Si l’action menée contre le VIH/SIDA n’est pas à la hauteur, la maladie va continuer à détruire le système éducatif et d’autres institutions d’importance vitale, réduire le capital humain et la capacité de le transmettre, tout en provoquant à longue échéance un recul de l’épargne et des investissements. On a donc tout avantage à réagir contre les épidémies, même lorsqu’elles présentent une faible prévalence. 

Copyrights © 2018 SOE-CI.ORG | Tous droits réservés par GENY