Tribune

L’infanticide : des pratiques abandonnées ? 2e partie

Les jumeaux font fréquemment l’objet de traitement particulier. Leur arrivée peut être interprétée positivement, comme chez les Kedjom du Cameroun (Diduk, 1993,2001). Mais ils ont plus généralement été l’objet de fortes discriminations (Ball & Hill, 1996). Au sud-est du Nigeria, dans l’aire culturelle Igbo, les jumeaux, considérés comme une abomination envers la divinité de la terre, étaient systématiquement éliminés (Achebe, 1967). Chez les M’bali d’Angola, la naissance de jumeaux représentait une calamité pour tout le pays, c’est pourquoi on les tuait (Erny, 1988). Chez les Antambahoaka du sud-est de Madagascar, ils étaient éliminés par l’intervention d’un sorcier pour protéger leurs parents (Van Gennep, 1904). La plupart de ces études relatent des observations de terrains relativement anciennes. Renne et Bastian (2001) relèvent le fait que les jumeaux ont attiré l’attention des ethnologues dans les années 1920, puis à la fin des années 1960 et dans les années 1970, mais que les études récentes sont rares.
Ball et Hill (1996) s’interrogent sur la validité à le considérer comme un phénomène culturel, dans une réflexion visant à réévaluer l’infanticide des jumeaux,. Les auteurs proposent de faire entrer l’élimination des jumeaux dans une catégorie qui justifie l’infanticide. Selon Renne et Bastian (2001, citant Schapera, 1927,135), les pratiques relatives aux naissances gémellaires doivent être considérées comme une variation de celles relatives aux naissances simples. Il y a des catégories d’enfants qui justifient l’infanticide. C’est parce que les jumeaux entrent dans ces catégories qu’ils sont sujets à ces pratiques.
On suppose aujourd’hui que les pratiques d’infanticide ont cessé, sous l’influence des missionnaires religieux qui, pendant la période coloniale, ont joué un rôle important dans la rupture avec les pratiques ancestrales d’infanticide (Bastian, 2001). Des pratiques alternatives sont décrites, visant à ce que les enfants “extraordinaires” et leur géniteur payent une amende (par des danses et des cérémonies), les lavant de tout soupçon (Singleton, 2004). De plus, dans la plupart des pays, la mise en place d’une législation classant l’infanticide comme un crime lui confère un caractère illégal et puni par la loi. La création de centres d’accueil pour enfants handicapés, ou pour jumeaux, contribue fortement à limiter les pratiques d’infanticide et d’abandon en offrant une alternative acceptable aux parents. Néanmoins, les pratiques d’infanticide ont-elles totalement disparues ? Et quand ces enfants "extraordinaires" ne sont plus tués, sont-ils victimes de certaines discriminations ?

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