Tribune

Introduction aux systèmes familiaux de circulation des enfants

L’appartenance de l’enfant au lignage plutôt qu’au couple, décrite dans de nombreuses sociétés africaines, autorise un système de don qui induit une circulation des enfants au sein de la parenté au sens large. Il existe en Afrique un système traditionnel de circulation des enfants, qui va du confiage temporaire et non exclusif au don exclusif d’un enfant qui se traduit par son adoption (Bledsoe, 1990 ; Castle, 1995 ; Goody, 1982 ; Jonkers, 1997 ; Lallemand, 1988,1993 ; Madhavan, 2004 ; Rabain, 1979). Ces pratiques visent notamment à créer ou à renforcer des rapports d’entraide et des liens de parenté. Elles prennent place dans un mode d’organisation sociale et familiale conçu sur le principe d’une redistribution des charges sur l’ensemble du réseau familial (Antoine et al., 1995 ; Marie, 1997 ; Oppong, 1999 ; Pilon & Vignikin, 2006).
C’est donc le don d’enfants qui domine les pratiques d’adoption décrites par les anthropologues, plutôt que leur abandon. Même lorsque le don d’enfant est exclusif et que le transfert des responsabilités est total, il n’y a pas de rupture avec les parents biologiques. Le don d’enfants en Afrique n’a pas pour condition d’exiger l’instauration d’une distance entre donateurs et adoptants, et encore moins d’un secret (Journet, 2004). Le don d’un enfant n’est pas honteux et ceux qui le reçoivent en sont gratifiés. Il se fait généralement quand l’enfant a atteint son autonomie et le contact avec les parents biologiques n’est pas coupé (Ezembé, 1997,2003). En Afrique, […] le contenu des termes ‘abandon’, ‘adoption’ est d’un sens tout autre, ne serait-ce que parce que l’enfant appartient au groupe plus qu’à ses géniteurs (Lallemand, 1988). Les transferts d’enfants sont fréquents au sein de la parenté, de manière temporaire comme définitive.
Aujourd’hui, l’urbanisation croissante et les évolutions du mode de production modifient l’organisation sociale et économique des familles, et par là, la place et le rôle de l’enfant en son sein. Différentes études mettent en évidence deux éléments : 1) les pratiques de confiage se diversifient et on voit apparaître des situations de crise mettant l’enfant en danger (travail, exploitation physique et/ou sexuelle) ; 2) la prise en charge familiale d’enfants de la lignée, répondant à l’exigence d’une solidarité familiale révèle certaines limites face à une demande toujours plus forte et à des conditions toujours plus difficiles.

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